L’autre soir, alors que je montais un gris que j’apprécie beaucoup, vous travailliez votre petit cheval. Une grande carrière à deux, à la fin d’une belle journée, quand la grosse chaleur est passée, c’est le luxe. On devrait pouvoir y travailler ou s’y détendre tranquillement, dans la sérénité la plus complète.
Pourtant, pour ma part, j’ai eu du mal à trouver la quiétude qui m’habite habituellement lorsque je suis à cheval. Oh, vous ne vous en êtes probablement même pas aperçue, toute occupée que vous étiez à vous énerver sur votre cheval que j’ai trouvé particulièrement gentil… Sans doute trop, d’ailleurs ; j’en connais qui vous auraient rapidement montré qui est le plus fort du cheval ou de la cavalière.
J’aurais dû vous interpeler, vous demander de garder votre calme. J‘ai hésité. J’ai été à deux doigts de le faire mais je ne l’ai pas fait, finalement, surtout par crainte d’en arriver à m’énerver moi aussi, ce que je ne voulais pas faire subir à mon cheval.
Mademoiselle, permettez-moi de vous dire qu’il ne sert à rien de battre des jambes et de talonner votre cheval comme une possédée parce qu’il ne donne pas la réponse attendue. C’est totalement inefficace, vous vous épuisez en vain ! De même, croyez-vous qu’il soit bien utile de l’agresser verbalement en lui disant qu’il vous casse les c. (que vous n’avez d’ailleurs pas) ? Il ne vous comprend pas et s’il sent bien les coups de rênes rageurs qui accompagnent vos propos, il ne risque pas non plus d’en comprendre le pourquoi. Vous n’avez pas plus de chances de lui faire entendre raison, comme vous lui avez répété à plusieurs reprises ; les chevaux ne raisonnent pas. S’ils le pouvaient nous n’aurions probablement pas le même rapport avec eux. En admettant qu’ils acceptent de nous porter, ce ne serait sûrement pas à vos conditions. Pour finir, rien ne sert de lui crier dessus qu’il finira bien par sentir vos coups de cravache redoublés ; il les a tous sentis depuis le premier, n’en doutez pas. S’il n’en tient pas compte, cherchez-en la raison de votre côté. Qui a réussi à le blaser ?
Ce que vous m’avez montré de jour-là, c’est ce que je vois de temps en temps, encore trop souvent à mon goût, sur les carrières : de l’impatience, de l’immaturité, le besoin de se prouver quelque chose ou de prouver aux personnes qui observent les carrières (d’un œil par toujours bienveillant, je vous l’accorde). Aujourd’hui, c’est vous que je prends pour (mauvais) exemple, ça aurait pu être quelqu’un d’autre. N’y voyez rien de personnel.
Permettez à un modeste cavalier de vous confier un truc imparable : la bienveillance. On peut être exigeant et bienveillant. Ce que vous peinez à obtenir (quand vous l’obtenez) par les coups et les injures, vous l’aurez beaucoup mieux et bien plus facilement en commençant par travailler sur vous-même. Restez zen ! Vous aimez l’équitation et les chevaux, je n’en doute pas. Si vous avez un cheval, que vous passez du temps à le monter et à vous en occuper, c’est bien que vous l’avez choisi. Cessez donc de vous faire du mal et d’en faire à votre cheval en faisant d’une séance d’équitation une heure de stress et de brutalité. Prenez votre temps : vous êtes jeune et votre cheval ne m’a pas paru bien vieux. Vous verrez, vous serez surprise des résultats que vous obtiendrez. Et si vous n’y arrivez pas seule, il n’y a pas de honte à travailler avec un enseignant, même quand on a son Galop 7, bien au contraire !
En vous souhaitant, et à tous ceux qui se reconnaîtront, de trouver un jour, pour vous comme pour vos chevaux, un peu plus de quiétude, un peu plus de recul, un peu plus de bonheur à cheval.
Bien à vous,
Olivier
Je ne connaissais pas ce livre. Michel Robert lui aussi insiste beaucoup sur l’importance de rester calme, l’esprit ouvert.
Vous avez touché dans votre article un point capital que l’on omet souvent dans la pratique de l’équitation : on ne peut espérer devenir un bon cavalier qu’en travaillant à la maîtrise de soi-même (tant sur le plan physique que mental), de ses émotions (peur, colère etc ). Ce travail n’est pas toujours facile, le chemin pour accéder à ce « self-controle » est ardu et demande du temps, de la patience. J’ai récemment découvert le livre « La préparation mentale du cavalier de compétition » de Philippe Leclair et Béatrice Flétcher qui aborde la gestion des émotions, des pensées parasites et négatives afin d’apprendre à monter sereinement, relâché et concentré dans l’instant présent. Une lecture que je me permets de conseiller en passant à tous les cavaliers, même ceux qui ne sont pas interéssés par les podiums.
Je suis d’accord, Pierre : il ne faut pas confondre la nécessaire autorité du cavalier sans laquelle un cheval peut vite prendre le dessus et l’utilisation d’une brutalité psychologique et physique « gratuite » par bêtise et dépit. Mais je crois que n’importe quel cavalier un poil expérimenté et surtout attentif peut faire la différence.
Pas d’ énervement, j’ essaie de transmettre cela, si c’ est possible.
En revanche, parfois une certaine vigueur est nécessaire pour » faire passer le cheval devant soi ». Pour avoir monté en concours de modèles et allures, sur des terrains improbables, des trois ans inquiets et regardants, je sais à quel point la détermination du cavalier peut , dans leur éducation être importante. Cette détermination sera peut être vécue comme de la brutalité par un observateur extérieur, et se pose alors le problème des représentations que l’ on a concernant la relation au cheval, qui est toujours liée à son utilisation..