Passer son cheval pieds nus séduit de plus en plus de cavaliers de loisir et d’amateurs éclairés. Mais cette démarche demande réflexion, préparation et un vrai suivi au quotidien. Les conseils pratiques qui suivent ont pour objectif de vous aider à prendre des décisions éclairées, à mieux comprendre les besoins du sabot nu et à mettre en place une routine de soins efficace et réaliste.

1. Comprendre ce que signifie vraiment « cheval pieds nus »

1.1. Un état naturel… mais pas toujours simple à atteindre

Le cheval est biologiquement conçu pour vivre sans fers. Dans la nature, la corne pousse et s’use en permanence sur des sols variés. En pratique, dans nos structures équestres modernes, les conditions de vie (box, paddocks peu stimulants, sols artificiels, travail ponctuel mais parfois intense) ne reproduisent pas toujours cet équilibre.

Choisir de garder son cheval pieds nus ne consiste donc pas seulement à retirer les fers, mais à :

  • adapter progressivement la ferrure (ou son retrait) aux besoins du cheval ;
  • repenser l’environnement (type de sols, déplacements, vie au pré ou en paddock) ;
  • ajuster le travail monté et à pied durant la période de transition ;
  • mettre en place des soins de maréchalerie réguliers et technicisés.

1.2. Les bénéfices potentiels du pied nu

Lorsqu’il est bien géré, le cheval pieds nus peut présenter plusieurs avantages :

  • Meilleure proprioception : le cheval ressent mieux le sol, ajuste plus finement ses appuis et ses trajectoires, ce qui peut réduire certains risques de faux pas.
  • Fonctionnement physiologique optimal : le pied joue davantage son rôle d’amortisseur, la fourchette est plus sollicitée, la circulation sanguine est mieux stimulée.
  • Moins de contraintes mécaniques liées au fer : pas de trous de clous, pas de risque d’arrachement de fers, une corne qui respire mieux.
  • Adaptation progressive de la corne : chez un cheval bien suivi, la corne devient souvent plus dense, plus résistante, notamment si l’environnement est varié.

Cependant, ces bénéfices ne sont ni automatiques ni garantis. Ils dépendent fortement de la génétique du cheval, de son mode de vie, de son alimentation, de votre gestion quotidienne et de la compétence du professionnel qui suit ses pieds.

1.3. Quand le cheval pieds nus n’est pas (encore) adapté

Certaines situations rendent la mise pieds nus plus complexe, voire momentanément déconseillée :

  • Chevaux très fragiles ou pathologiques (fourbures récidivantes, naviculaires très avancés, déformations sévères) : une transition mal conduite peut aggraver la douleur.
  • Travail intensif sur sols abrasifs ou très durs (concours fréquents sur pistes exigeantes, extérieurs quotidiens sur routes) : les pieds peuvent s’user plus vite qu’ils ne poussent.
  • Accès quasi exclusif à des sols mous (pré très herbeux, carrière profonde) : la corne n’est pas stimulée, les pieds restent « tendres » et sensibles dès que l’on change de sol.

Avant d’entreprendre une transition, prendre le temps de consulter un professionnel (maréchal-ferrant, podologue, vétérinaire) et de vous informer via des ressources documentées, comme notre article spécialisé qui compare les avantages et limites du cheval pieds nus par rapport au cheval ferré, reste une étape essentielle.

2. Préparer la transition vers le cheval pieds nus

2.1. Faire un bilan complet avant de déferrer

Avant de retirer les fers, il est recommandé de réaliser un état des lieux approfondi :

  • État général du cheval : condition physique, pathologies connues, âge, antécédents locomoteurs.
  • Conformation des membres : aplombs, angles, symétries entre antérieurs et postérieurs.
  • Qualité de la corne : dureté, éclats, seimes, pourriture de fourchette, usure inégale.
  • Utilisation du cheval : fréquence et intensité du travail, type de disciplines (extérieur, carrière, obstacle, dressage, TREC, endurance…).
Lire  Pions chevaux : 7 styles visuels qui transforment vos parties en véritables mini-concours

Ce bilan permet de déterminer le moment opportun pour déferrer et de fixer des objectifs réalistes : par exemple, garder les postérieurs nus dans un premier temps, ou réduire le périodique de ferrure avant retrait complet.

2.2. Choisir le bon moment et le bon rythme

La saison et le contexte jouent un rôle important dans la réussite de la transition :

  • Printemps / automne : souvent favorables, avec des sols ni trop durs ni trop boueux, facilitant l’adaptation de la corne.
  • Été très sec : les sols peuvent être particulièrement durs, ce qui accentue temporairement la sensibilité.
  • Hiver humide : la corne peut ramollir, les soles devenir plus vulnérables aux cailloux et aux abcès.

Il est fréquent de prévoir une phase de travail réduit ou adapté juste après le déferrage afin de laisser au pied le temps de se restructurer. Certains chevaux s’adaptent en quelques semaines, d’autres demandent plusieurs mois de transition.

2.3. Adapter l’environnement au pied nu

Le mode de vie joue un rôle clé dans la réussite du cheval pieds nus :

  • Favoriser le mouvement : plus un cheval marche, trotte librement et utilise ses pieds, mieux la corne s’adapte. La vie en paddock ou au pré avec des congénères est un atout.
  • Varier les sols : idéalement, combiner herbe, terre battue, graviers roulés (non coupants), allées stabilisées. Les « paddocks paradise » sont un exemple de gestion favorable au pied nu.
  • Limiter les zones boueuses permanentes : la boue ramollit la corne et favorise les problèmes de pourriture, surtout au niveau de la fourchette.

2.4. Privilégier une transition progressive quand c’est nécessaire

Selon la situation, une approche par étapes peut être plus confortable pour le cheval :

  • Commencer par retirer les fers des postérieurs tout en conservant les antérieurs ferrés si ceux-ci sont très fragiles ou très sollicités.
  • Programmer des parages plus fréquents (toutes les 4 à 6 semaines au début) pour accompagner le remodelage du pied.
  • Utiliser des hipposandales lors du travail sur terrains difficiles pour réduire la sensibilité et éviter une usure prématurée.

L’important est de rester à l’écoute du cheval : s’il manifeste une douleur marquée ou persistante, il est indispensable de questionner le protocole de transition et de consulter votre vétérinaire ou votre maréchal.

3. Soins quotidiens indispensables pour un cheval pieds nus

3.1. Hygiène du pied : le rituel incontournable

Le pied nu laisse la corne et la fourchette directement en contact avec le sol, d’où l’importance d’un entretien régulier :

  • Curer les pieds quotidiennement : enlever boue, cailloux, crottin, vérifier l’absence de corps étrangers.
  • Surveiller la fourchette : une mauvaise odeur, une zone molle ou noire, des fissures profondes peuvent signaler une pourriture ou une infection.
  • Observer la sole : repérer les zones d’écrasement, d’usure excessive ou les débuts d’abcès.

Ce geste quotidien permet également de repérer rapidement une sensibilité anormale (retrait du pied, difficulté à se tenir sur trois membres) ou un début de boiterie.

3.2. Hydratation et protection de la corne

Contrairement à certaines idées reçues, la corne n’a pas besoin d’être systématiquement graissée. L’objectif est de maintenir un équilibre entre hydratation et solidité :

  • Limiter les bains de pieds prolongés dans la boue ou l’eau stagnante qui ramollissent la corne.
  • Éviter les graisses systématiques qui peuvent à la longue étouffer la corne si elles sont utilisées sans discernement.
  • Adapter les produits : huiles ou onguents légers sur la paroi, produits asséchants sur la fourchette en cas de pourriture (uniquement sur conseil professionnel).
Lire  Comment choisir vos étriers Flex-On en fonction de votre discipline équestre

Dans la plupart des cas, une bonne gestion de l’environnement (sols variés, curage régulier, zones sèches accessibles) reste plus efficace qu’un excès de produits.

3.3. Parage régulier et adapté au cheval pieds nus

Le parage est l’un des piliers de la réussite. Un pied nu trop long, mal équilibré ou qui s’ébrèche facilement sera plus sensible et à risque de boiterie.

  • Respecter un rythme régulier : la plupart des chevaux pieds nus nécessitent un parage toutes les 5 à 7 semaines, parfois plus fréquent en période de transition ou de forte pousse.
  • Travailler avec un professionnel formé : maréchal-ferrant ou podologue équin connaissant bien la biomécanique du pied nu et les attentes du cavalier.
  • Observer après chaque parage : noter comment le cheval se déplace, s’il est plus ou moins confortable sur les différents types de sols.

Certaines personnes apprennent à réaliser de petites retouches entre deux passages professionnels (arrondir la pince, supprimer un éclat) mais cela nécessite de la formation et un encadrement, au risque d’altérer la structure du pied si c’est mal fait.

3.4. Ajuster le travail lors de la transition

Durant les premières semaines pieds nus, adapter le travail du cheval est souvent nécessaire :

  • Privilégier les sols souples mais portants (carrière correctement entretenue, chemins forestiers) pour éviter une usure trop rapide.
  • Introduire progressivement les terrains plus durs ou caillouteux en commençant par de courtes sorties à pied, puis monté, pour laisser le temps aux pieds de se renforcer.
  • Utiliser des hipposandales en cas de sensibilité importante lors du travail ou sur des terrains ponctuellement exigeants (graviers, cailloux anguleux, routes goudronnées très dures).

Le cheval ne doit pas être systématiquement dans l’inconfort : une adaptation légère et transitoire est normale, mais la douleur marquée doit alerter.

4. Alimenter et gérer le cheval pour favoriser de bons pieds nus

4.1. Rôle de l’alimentation dans la qualité de la corne

La santé du pied commence dans l’assiette. Une corne de mauvaise qualité, qui casse, s’effrite ou pousse peu, reflète souvent un déséquilibre alimentaire :

  • Base de fourrage de qualité : foin ou herbe en quantité suffisante, adapté aux besoins énergétiques du cheval.
  • Apport minéral et vitaminique équilibré : zinc, cuivre, biotine, acides aminés soufrés (méthionine) jouent un rôle dans la synthèse de la corne.
  • Attention aux excès de sucres et d’amidons : céréales données en grande quantité, prairies très riches, qui peuvent favoriser les fourbures et altérer la qualité du pied.

En cas de doute, un bilan avec un nutritionniste équin ou votre vétérinaire peut aider à ajuster la ration et à choisir, si nécessaire, un complément spécifique pour la corne.

4.2. Gestion du poids et impacts sur les pieds nus

Un cheval en surpoids sollicite fortement ses pieds, surtout lorsqu’il passe pieds nus :

  • Surpoids : pression plus importante sur les structures internes, risque accru de fourbure, usure plus rapide sur les sols durs.
  • Maigreur excessive : affaiblissement général, moindre capacité à produire une corne de qualité, récupération plus lente.

Maintenir un poids de forme, grâce à un équilibre entre alimentation et exercice adapté, favorise une meilleure portance et un confort durable des pieds nus.

Lire  Trouver le Nom Idéal pour votre Cheval Femelle: Conseils et Inspirations

4.3. Temps de sortie et qualité des déplacements

Un cheval qui bouge peu aura plus de difficultés à développer des pieds fonctionnels :

  • Augmenter les temps de sortie : vie au pré ou en paddock actif, marcheur, balades en main, longe sur différents sols.
  • Encourager les déplacements naturels : placer l’eau, le foin et les points d’intérêt à des endroits différents pour inciter le cheval à se déplacer.
  • Varier les allures lors du travail monté : alterner pas, trot, galop dans le respect de la condition physique, afin de stimuler le pied sans le surmener.

5. Suivi, erreurs à éviter et signaux d’alerte pour un cheval pieds nus

5.1. Erreurs fréquentes en gestion de cheval pieds nus

Certaines erreurs reviennent souvent et peuvent mettre en échec une transition pourtant bien intentionnée :

  • Déferrer sans préparation : retirer les fers du jour au lendemain, sans adaptation de l’environnement ni du travail.
  • Négliger le parage : espacer excessivement les interventions, ou faire appel à un professionnel peu formé à la gestion du pied nu.
  • Imposer trop vite des terrains difficiles : multiplier les balades sur routes caillouteuses dès les premières semaines, sans protection ni progressivité.
  • Ignorer les signes de douleur : considérer que le cheval doit « s’endurcir » et continuer à le travailler malgré une boiterie manifeste.

5.2. Signaux d’alerte à surveiller

Certaines manifestations doivent vous amener à consulter rapidement un professionnel (maréchal, podologue, vétérinaire) :

  • Boiterie aiguë après parage ou sortie sur terrain dur, qui persiste au-delà de 24 à 48 heures.
  • Chaleur marquée du pied, pulsations digitales fortes, cheval qui refuse d’avancer : cela peut évoquer une fourbure ou un abcès.
  • Corne qui s’effrite en profondeur, seimes qui montent haut vers la couronne, pourriture de fourchette avancée.
  • Modification de la démarche durable : allures raccourcies, cheval qui cherche systématiquement les bords de chemin plus mous.

5.3. Travailler en équipe avec les professionnels

Réussir la gestion d’un cheval pieds nus ne repose pas uniquement sur le cavalier. Une approche collective est souvent la plus efficace :

  • Maréchal-ferrant ou podologue équin : pour adapter le parage, ajuster la fréquence d’intervention, conseiller sur les hipposandales et l’évolution de la corne.
  • Vétérinaire : pour suivre l’état locomoteur, gérer les éventuels abcès, fourbures ou anomalies structurelles du pied.
  • Enseignant d’équitation : pour adapter le travail proposé, choisir les exercices, les terrains et les durées en fonction du confort du cheval.

L’échange régulier entre ces différents interlocuteurs et vous, en tant que cavalier ou propriétaire, permet d’ajuster finement la gestion du cheval et d’anticiper d’éventuelles difficultés.

5.4. Ajuster ses objectifs en fonction du cheval

Chaque cheval est unique. Certains s’épanouissent rapidement pieds nus, y compris avec une activité sportive soutenue, tandis que d’autres resteront plus confortables avec des protections ponctuelles ou permanentes :

  • Accepter la variabilité individuelle : ne pas chercher à calquer le parcours de votre cheval sur celui d’un autre.
  • Réviser ses ambitions si nécessaire : réduire temporairement le nombre de sorties sur terrains très durs, privilégier certaines disciplines plutôt que d’autres.
  • Utiliser des solutions intermédiaires : hipposandales, plaques de confort, changements de surfaces de travail.

L’objectif n’est pas de suivre une « mode » du pied nu, mais de trouver la configuration la plus respectueuse du confort, de la santé et de l’usage de votre cheval, en cohérence avec votre pratique et votre environnement.