Tourner un film avec des chevaux est un rêve pour de nombreux cavaliers et réalisateurs amateurs, mais cela demande une préparation rigoureuse. Un cheval n’est pas un “accessoire” de cinéma : c’est un être vivant sensible, doté de réactions parfois imprévisibles, qui nécessite des conditions de travail adaptées. Pour réussir vos plans tout en garantissant la sécurité et le bien-être de l’animal, quelques principes de base sont indispensables.
Préparer le cheval avant le tournage
Choisir le bon cheval pour le bon rôle
Avant même de penser à la caméra, il faut sélectionner un cheval adapté au type de scène que vous souhaitez filmer. Tous les chevaux ne sont pas faits pour tenir un rôle au cinéma, même modeste.
- Tempérament calme : privilégiez un cheval posé, peu émotif, habitué à voir des choses nouvelles. Un cheval de club expérimenté, qui a vu de nombreux cavaliers différents, sera souvent plus tolérant.
- Habituation à l’extérieur : pour des scènes en extérieur, choisissez un cheval à l’aise en balade, peu regardant et capable de rester concentré malgré les bruits et les mouvements autour de lui.
- Condition physique : le cheval doit être en bonne santé, sans boiterie ni douleur, pour enchaîner plusieurs prises sans souffrir. Un contrôle vétérinaire préalable est toujours recommandé pour des tournages exigeants.
- Niveau de dressage : plus le cheval répond finement aux aides, plus il sera facile de placer précisément ses déplacements (démarrer à un point précis, s’arrêter sur une marque, garder une allure régulière).
Il est parfois plus efficace de revoir à la baisse l’ambition de certaines scènes plutôt que d’imposer à un cheval un comportement qu’il n’est pas prêt à offrir sereinement.
Désensibiliser le cheval au matériel de tournage
Caméras, perches, réflecteurs, drones, trépieds… tout ce matériel peut impressionner un cheval non préparé. Une phase de désensibilisation progressive est donc essentielle, idéalement plusieurs jours ou semaines avant le tournage.
- Présentez d’abord la caméra éteinte, tenue à la main, en laissant le cheval l’observer, la sentir et s’en approcher à son rythme.
- Marchez autour du cheval avec la caméra, placez-la à différentes hauteurs, au-dessus de la tête, près de l’épaule, derrière la croupe, toujours calmement.
- Allumez ensuite la caméra : le bruit de mise en route, le cliquetis du focus ou le déclic d’un appareil photo peuvent surprendre. Récompensez le cheval à la voix, au gratouillis ou avec une friandise s’il reste calme.
- Introduisez progressivement les accessoires plus volumineux (trépieds, réflecteurs, perches de micro). Commencez à distance, puis rapprochez-vous selon la réaction du cheval.
Plus cette phase est progressive et positive, plus le cheval associera le décor de tournage à une expérience neutre ou agréable, ce qui facilitera grandement le jour J.
Travailler les gestes et déplacements spécifiques
Certaines scènes nécessitent des actions précises : partir au galop sur une ligne donnée, s’arrêter net devant la caméra, marcher au pas rênes longues, avancer vers l’objectif sans dévier… Ces comportements doivent être préparés en amont comme n’importe quel exercice d’entraînement.
- Marques au sol : placez des repères discrets (plots bas, marques dans le sable, touffes d’herbe) pour aider le cavalier à viser le bon endroit d’arrêt ou de départ.
- Répétitions à blanc : entraînez les enchaînements de déplacements sans caméra, puis avec caméra mais sans enregistrement, pour que cheval et cavalier mémorisent la “chorégraphie”.
- Variations d’allure : habituez le cheval à passer d’un trot actif à un trot plus rassemblé, d’un galop allongé à un galop plus posé, pour adapter l’allure au rendu souhaité à l’écran.
- Arrêts précis : travaillez l’arrêt en un nombre limité de foulées depuis chaque allure, afin que le cheval puisse immobiliser son corps sans heurt ni tension.
Garantir la sécurité de tous sur le plateau
Évaluer les risques en amont
Un tournage implique souvent de nombreuses personnes, du matériel au sol, des câbles, parfois des véhicules. Ce sont autant de sources potentielles de stress ou de danger pour un cheval. Une analyse de risque préalable est indispensable.
- Repérage du lieu : visitez le lieu à l’avance, à pied puis avec le cheval, pour identifier les zones glissantes, les passages étroits, les sources de bruit (route, chantier, chiens, etc.).
- Organisation de l’espace : créez une zone réservée au cheval, éloignée du flux principal de l’équipe, où il pourra se reposer et manger en toute tranquillité entre deux prises.
- Circulation contrôlée : définissez des chemins de circulation pour l’équipe afin d’éviter qu’une personne surgisse brusquement dans l’angle de vision du cheval.
- Évacuation possible : prévoyez un itinéraire clair pour sortir rapidement le cheval en cas de problème (cheval paniqué, chute, bruit soudain).
Rappels essentiels pour la sécurité humaine
Beaucoup de membres d’une équipe de tournage ne sont pas familiers des chevaux. Il est crucial de leur expliquer quelques règles simples avant de commencer.
- Ne pas passer derrière le cheval sans avertir ni garder une distance de sécurité.
- Éviter de courir ou de faire des gestes brusques à proximité immédiate de l’animal.
- Ne pas crier, claquer des objets ou déclencher des effets sonores sans prévenir le cavalier et le responsable du cheval.
- Respecter l’espace personnel du cheval : ne pas le toucher, ne pas lui donner à manger sans autorisation.
- Garder les câbles, trépieds et sacs hors des zones de passage du cheval.
Un briefing de quelques minutes avant le tournage peut réduire considérablement le risque d’accident.
Équipement du cheval et du cavalier adapté aux scènes
Le matériel utilisé pendant le tournage doit à la fois assurer la sécurité et s’intégrer au rendu visuel recherché.
- Protection du cheval : selon le type de scène (extérieur, sol dur, terrain accidenté), prévoyez protections de travail, guêtres, cloches, voire bandes. Même si elles ne sont pas visibles à l’écran (plans serrés sur l’encolure ou le visage), elles protègent l’animal.
- Harnachement fiable : un filet avec un mors adapté, une selle bien ajustée et en bon état, un sanglage contrôlé avant chaque prise sont indispensables pour éviter les incidents comme un arçon cassé ou une sangle qui cède.
- Équipement du cavalier : le port du casque doit rester la norme, même si la scène est “d’époque”. Lorsque la cohérence visuelle l’exige, on peut parfois dissimuler certaines protections (gilet sous un vêtement ample, par exemple) ou limiter les plans larges.
- Équipements factices : si vous devez simuler des armes, des accessoires lourds ou bruyants, commencez par les versions les plus légères et silencieuses possible, puis habituez progressivement le cheval aux versions plus réalistes.
Construire un tournage respectueux du cheval
Gérer la durée des séances et la fatigue
Un cheval se fatigue physiquement, mais aussi mentalement, beaucoup plus rapidement qu’un humain sur un tournage. La répétition des prises, les attentes, les changements de consignes peuvent l’épuiser.
- Séances courtes : organisez les scènes nécessitant le cheval en blocs de temps limités (par exemple 20 à 30 minutes d’effort effectif), entrecoupés de périodes de repos au calme.
- Alternance des intensités : évitez d’enchaîner uniquement des scènes rapides au galop ou des passages techniques difficiles. Alternez avec des plans de marche, d’immobilité ou des plans serrés où le cheval ne fait que rester détendu.
- Surveillance des signes de fatigue : transpiration excessive, respiration très forte, raideurs, baisse de réactivité, irritabilité sont des indicateurs qu’il faut lever le pied.
- Hydratation et alimentation : prévoyez de l’eau disponible, des pauses pour que le cheval puisse boire, voire un petit apport de fourrage s’il doit rester longtemps sur le lieu de tournage.
Respecter le bien-être émotionnel du cheval
Un cheval qui a peur, qui se sent contraint ou surstimulé ne donnera pas une prestation sereine et fiable. Il est donc essentiel de veiller à son état émotionnel tout au long du tournage.
- Observer le langage corporel : oreilles plaquées, queue fouettée, tremblements, yeux écarquillés, mâchoire crispée signalent un inconfort qu’il faut prendre en compte immédiatement.
- Éviter la sur-sollicitation : multiplier les ordres contradictoires ou changer sans cesse les consignes perturbe le cheval. Un référent unique (dresseur ou cavalier) doit rester l’interlocuteur principal.
- Rendre les expériences positives : récompenses, gratifications et pauses agréables aident le cheval à associer le tournage à quelque chose de supportable, voire d’agréable.
- Renoncer à certaines scènes : si malgré la préparation une situation reste trop stressante pour le cheval (fumée dense, bruit fort, foule), il est souvent préférable de revoir la scène ou d’utiliser des effets de montage.
Coordonner l’équipe autour du cheval
Pour que tout se déroule harmonieusement, une organisation claire est nécessaire.
- Un référent cheval : désignez une personne responsable du cheval (souvent le propriétaire, l’enseignant d’équitation ou un dresseur spécialisé) qui décide de ce qui est acceptable ou non pour l’animal.
- Une communication fluide : le réalisateur, le cadreur et le référent cheval doivent échanger avant chaque scène pour anticiper les besoins (angles de caméra, déplacements, effets spéciaux).
- Un planning réaliste : prévoyez du temps supplémentaire pour chaque scène avec le cheval. Les prises pourront être plus nombreuses, et certains ajustements devront se faire au dernier moment en fonction de la réaction de l’animal.
Astuces de mise en scène et de prise de vue avec des chevaux
Mettre en valeur le mouvement du cheval
Les chevaux offrent des mouvements naturellement spectaculaires que la caméra peut magnifier avec quelques astuces simples.
- Plans en contre-jour : filmer un cheval au galop au lever ou au coucher du soleil met en valeur la crinière, la silhouette et les projections de sable.
- Plans en contre-plongée : une caméra placée légèrement plus bas que le cheval accentue l’impression de puissance et de grandeur.
- Travellings latéraux : suivre le cheval en mouvement de côté, à distance raisonnable (par exemple en véhicule ou à pied sur un sol stable), permet de montrer l’ampleur de ses foulées.
- Ralentis : filmer à une fréquence d’images plus élevée (si votre matériel le permet) permet de créer des ralentis très esthétiques sur les foulées, les changements d’allure ou les sauts.
Veillez cependant à toujours privilégier la sécurité : ne vous placez jamais dans la trajectoire directe du cheval pour “un beau plan”, surtout s’il est lancé à vive allure.
Filmer le lien entre le cavalier et le cheval
Au-delà de la performance physique, l’intérêt d’un film avec des chevaux réside souvent dans la relation cheval–cavalier.
- Plans rapprochés : filmez les regards, les gestes doux, les mains qui pansent, les gratouilles dans le garrot, les inspirations partagées. Ces détails parlent beaucoup au spectateur.
- Moments de préparation : seller, brider, curer les pieds, ajuster la sangle sont autant de moments de complicité qui peuvent enrichir votre narration.
- Transitions à pied : montrer le cheval mené en longe, en licol, suivant librement son cavalier met en avant le travail de confiance et renforce l’émotion de vos images.
Adapter le scénario aux capacités réelles du cheval
Il est tentant d’écrire des scènes spectaculaires (cabrés, départs au galop arrêtés, sauts d’obstacles impressionnants), mais le scénario doit rester cohérent avec ce que le cheval sait faire.
- Privilégiez des actions que le cheval maîtrise déjà en toutes circonstances (balade, petit galop, franchissement d’obstacles habituels) plutôt que de vouloir lui apprendre une figure juste pour le tournage.
- Utilisez le montage pour “amplifier” certains effets : un cabré peut être obtenu à partir de plusieurs petits plans, ou être suggéré par un changement de plan plutôt que réalisé réellement par le cheval.
- Écrivez des scènes où l’intensité dramatique repose sur l’émotion, la musique, les dialogues, plutôt uniquement sur la performance physique du cheval.
Aspects pratiques pour un tournage amateur avec des chevaux
Obtenir les autorisations nécessaires
Que vous tourniez dans un centre équestre, en forêt, sur une plage ou dans un village, des autorisations peuvent être nécessaires.
- Centre équestre : demandez l’accord écrit du gérant, précisez les dates, horaires, zones utilisées, nombre de personnes présentes et conditions d’assurance.
- Terrain privé : obtenez l’autorisation du propriétaire, en étant transparent sur l’utilisation des images et la présence du cheval.
- Espaces publics : certaines communes exigent une déclaration de tournage, surtout si vous mobilisez une équipe ou du matériel encombrant. Renseignez-vous auprès de la mairie.
Gérer l’assurance et la responsabilité
Filmer avec un cheval engage des responsabilités : en cas de chute, de blessure ou de dégradation de matériel, il est important de savoir qui est couvert par quelle assurance.
- Responsabilité civile : vérifiez que la responsabilité civile propriétaire d’équidé (RCPE) est à jour pour le cheval utilisé.
- Assurance du lieu : certains centres équestres ou structures imposent des conditions spécifiques pour les tournages (contrat, attestation d’assurance de production, etc.).
- Accord entre participants : même dans un cadre amateur, il peut être utile de clarifier par écrit les responsabilités de chacun (propriétaire du cheval, cavalier, organisateur du tournage).
Préparer le cheval mentalement au jour J
En amont du tournage, créez une routine rassurante pour que le cheval arrive dans les meilleures dispositions possibles.
- Évitez une séance d’entraînement intensive la veille pour qu’il ne soit ni épuisé ni courbaturé.
- Gardez ses horaires de repas aussi proches que possible de la normale pour ne pas perturber son rythme.
- Arrivez avec un peu d’avance sur le lieu de tournage pour lui laisser le temps d’observer, de se détendre, et éventuellement de se dégourdir dans une carrière ou un paddock sécurisé.
- Prévoyez tout le matériel habituel (brosse préférée, tapis, licol, longe, friandises) pour conserver des repères familiers.
Optimiser votre organisation de tournage
Un tournage fluide est plus confortable pour le cheval comme pour l’équipe.
- Storyboard simple : même dans un cadre amateur, dessinez grossièrement les plans prévus (position du cheval, angle de caméra, mouvements), cela réduit les hésitations sur le plateau.
- Ordre de tournage adapté : commencez par les scènes les plus simples pour mettre tout le monde en confiance, gardez les séquences plus complexes pour quand cheval et cavalier sont bien “dans le bain”, mais avant la fatigue.
- Communication radio ou gestes codés : si le bruit dérange le cheval, utilisez des signaux discrets entre le réalisateur et le cadreur pour déclencher les prises sans criailler.
Ressources pour aller plus loin
Si vous souhaitez approfondir votre préparation, vous pouvez consulter des ressources spécialisées sur le tournage avec des équidés, la sécurité et la mise en scène. Par exemple, vous trouverez sur ce blog un article spécialisé consacré aux tournages impliquant des chevaux qui complète utilement les conseils présentés ici, avec des cas pratiques et des retours d’expérience de cavaliers.
En combinant une bonne préparation équestre, une organisation de tournage rigoureuse et une attention constante au bien-être du cheval, il devient possible de créer des images fortes et authentiques, qui respectent à la fois l’animal et les personnes impliquées.

