La plupart des chevaux acceptent très bien qu’on leur fasse des nattes, mais certains deviennent nerveux, se crispent ou bougent sans cesse. La différence ne tient pas seulement à la technique de tressage, mais à la capacité du cavalier à lire le comportement du cheval et à adapter chaque geste pour préserver son bien-être. Tresser un cheval sans le stresser, c’est donc d’abord une question d’observation et de communication, avant d’être une question d’esthétique.
Comprendre les signaux de stress chez le cheval pendant le tressage
Les signes de détente à rechercher
Avant même de parler de stress, il est utile de savoir reconnaître un cheval détendu au pansage et au tressage. Un cheval à l’aise présente souvent :
- Une encolure relativement basse, non figée, qui peut se relâcher par moments.
- Des oreilles mobiles, qui se tournent vers vous, vers l’environnement, sans rester plaquées.
- Un regard doux, les paupières parfois mi-closes, sans tension apparente autour de l’œil.
- Une bouche souple, qui peut mâchouiller légèrement, lécher ou bailler doucement.
- Un souffle régulier, parfois ponctué de petits soupirs ou d’expirations sonores.
- Un poids du corps réparti sur les quatre membres, sans crispation évidente.
Ces signaux indiquent généralement que le cheval supporte bien la situation et que vous pouvez poursuivre le tressage, tout en continuant à l’observer.
Les principaux signes de stress et d’inconfort
Lorsqu’un cheval est gêné, douloureux ou inquiet, il envoie des signaux, parfois subtils, parfois très visibles. Pendant le tressage, surveillez notamment :
- Les oreilles : oreilles plaquées en arrière, tournées en permanence vers vous de façon fixe, signe possible d’agacement ou de douleur.
- Les yeux : œil écarquillé, blanc de l’œil visible, clignements rapides, tension de la paupière.
- La bouche : mâchoire serrée, lèvres contractées, grincement de dents ou bâillements répétés avec tension, signes possibles de stress.
- La tête : tête tirée brusquement vers le haut, mouvements d’évitement quand vous touchez l’encolure ou la crinière.
- Le corps : cheval qui se déplace sans cesse, qui se décale de vous, qui tape du pied ou gratte le sol.
- La queue : fouaillements répétés, queue serrée contre les fesses, ou au contraire mouvements brusques dès que vous touchez la croupe.
- La respiration : souffle accéléré, brusques inspirations, reniflements fréquents, parfois accompagnés de petites ruades d’agacement.
Un cheval très stressé peut aller jusqu’à menacer de mordre ou de taper. Ce sont des signes tardifs : l’objectif est de repérer et de prendre en compte les signaux plus subtils pour ne pas en arriver là.
Différencier stress ponctuel, douleur et mauvaise habitude
Quand un cheval réagit mal au tressage, la première étape consiste à identifier l’origine probable du comportement :
- Stress ponctuel : nouvelle situation (concours, environnement inconnu), manque d’habitude d’être touché à certains endroits, agitation liée à l’ambiance (bruit, mouvements, autres chevaux nerveux). Ces chevaux se calment souvent avec une routine rassurante et un travail progressif.
- Douleur ou gêne : sensibilité au niveau de la nuque, des oreilles, de l’encolure, peau douloureuse sous la crinière (dermite, croûtes, irritations), douleurs musculaires ou cervicales. Les réactions sont alors plus marquées dès que vous touchez une zone précise. Un avis vétérinaire ou ostéopathique peut être nécessaire.
- Comportements installés : certains chevaux ont appris qu’en bougeant ou en menaçant, ils font cesser une situation qu’ils n’apprécient pas. Ce n’est pas de la “méchanceté”, mais un comportement renforcé par l’expérience. Ils nécessitent calme, cohérence et parfois un accompagnement professionnel.
Observer précisément à quel moment le cheval réagit (au brossage, au moment de serrer la tresse, au passage de l’élastique, quand on touche les oreilles…) permet de cibler les causes et d’ajuster sa manière de tresser.
Préparer le cheval pour un tressage serein
Installer une routine de pansage rassurante
Un cheval qui connaît une routine stable de pansage sera généralement plus détendu au moment du tressage. Quelques points clés :
- Choisir un lieu calme : éviter les passages étroits avec beaucoup de circulation, les heures de distribution des repas, les zones surpeuplées ou très bruyantes.
- Respecter des horaires réguliers : si possible, panser et tresser le cheval à des moments de la journée où il est naturellement plus calme (après la sortie au paddock, après le travail léger).
- Entretenir une relation positive : associer régulièrement le pansage à des expériences agréables (grattouilles aux endroits appréciés, petites pauses, vocalises douces, friandises bien gérées pour ne pas créer d’excitation).
- Acclimater aux manipulations : habituer progressivement le cheval à ce que vous passiez les mains sur l’encolure, la tête, derrière les oreilles, en restant attentif à ses réactions.
Plus la routine générale de pansage est plaisante pour le cheval, plus il acceptera les phases plus techniques comme le tressage.
Préparer physiquement la crinière et la queue
Un tressage qui tire sur les crins, accroche les nœuds ou pince la peau est très inconfortable. Pour limiter ces sources de stress :
- Brosser la crinière en douceur, en commençant par les pointes, puis en remontant progressivement vers la racine.
- Utiliser une brosse adaptée (brosse douce ou peigne à larges dents) pour éviter de casser les crins et de tirer de façon excessive.
- Appliquer éventuellement un soin démêlant léger (sans excès, pour que la tresse tienne) pour faciliter le passage du peigne.
- Vérifier l’état de la peau sous la crinière et à la base de la queue : absence de croûtes, pellicules épaisses, plaies, zones chaudes ou douloureuses.
- Adapter la propreté : un cheval très sale nécessite un brossage plus long, que vous pouvez répartir sur plusieurs jours si l’animal est sensible.
Pour certains chevaux, le simple fait de démêler les crins peut déjà être une source d’inconfort, surtout s’ils ont connu des démêlages brusques par le passé. Prendre le temps de montrer que vous pouvez brosser sans douleur est une étape fondamentale.
Choisir le bon moment et la bonne durée
Tresser un cheval nerveux ou peu habitué pendant qu’il entend partir ses copains en balade, ou juste avant l’heure des repas, est souvent voué à l’échec. Pour limiter le stress :
- Évitez les périodes où les chevaux sont naturellement plus vifs (juste avant la sortie au pré, par exemple).
- Privilégiez des séances courtes et fréquentes pour les chevaux qui ont peu de patience ou une faible tolérance au contact prolongé.
- Faites des pauses : mieux vaut tasser la séance en alternant tressage et moments de repos, plutôt que de tout faire d’un bloc si le cheval montre des signes de lassitude.
- Sur un cheval débutant, commencez par une ou deux tresses seulement, puis augmentez progressivement le nombre au fil des séances.
Techniques de tressage respectueuses du bien-être
Adapter la posture et la manière de toucher
Le comportement du cheval dépend beaucoup de la manière dont vous vous tenez et le touchez. Quelques principes :
- Position du cavalier : placez-vous près du cheval, à une distance où vous pouvez le toucher sans vous pencher exagérément. Restez à hauteur de l’encolure, légèrement de côté, pour ne pas le “coincer”.
- Mains calmes : évitez les gestes brusques, les prises soudaines de crins, les tiraillements secs. Les mouvements doivent être fluides et prévisibles.
- Pression progressive : quand vous serrez une tresse, augmentez graduellement la tension, plutôt que de tirer d’un coup. Cela laisse au cheval le temps de s’adapter.
- Contact constant : passer brusquement de “pas de contact” à “contact fort” surprend souvent l’animal. Un contact continu, mais léger, est plus rassurant.
Votre propre respiration et votre ton de voix influencent aussi le cheval : un cheval ressente très bien la tension humaine. S’il perçoit que vous êtes pressé, nerveux ou agacé, il aura plus de mal à se détendre.
Limiter la traction et la douleur cutanée
Beaucoup de chevaux réagissent au moment où la tresse est serrée, car c’est là que la traction sur la peau se fait sentir. Pour limiter cette gêne :
- Ne prenez pas des poignées de crins trop importantes : mieux vaut faire plus de petites tresses qu’un petit nombre de grosses tresses qui tirent fort.
- Veillez à répartir les crins de façon homogène : si une mèche est trop fine au milieu d’une grosse tresse, elle supportera une tension excessive.
- Faites particulièrement attention au niveau du garrot et de la nuque, zones souvent plus sensibles.
- Choisissez des élastiques adaptés, qui ne cisaillent pas les crins et ne nécessitent pas de serrer de manière extrême pour tenir.
- Sur un cheval très sensible, optez pour des tresses un peu plus lâches, quitte à perdre légèrement en tenue, surtout pour un premier essai.
Prendre en compte la morphologie et le type de crinière
La technique de tressage doit s’adapter à la morphologie du cheval et à la nature de ses crins :
- Crinière très épaisse : envisagez d’effiler légèrement ou de répartir la masse en fragments plus nombreux pour que chaque tresse reste confortable.
- Crinière très fine et peau sensible : privilégiez des tresses moins serrées, plus espacées, en évitant de plaquer trop près de la racine.
- Cheval avec encolure courte ou très musclée : faites attention à ne pas trop concentrer les tresses sur une zone restreinte, ce qui accentue la traction.
- Queue : la base de la queue est une zone hautement sensible. Évitez de tresser trop haut ou trop serré sur un cheval qui se montre gêné quand on manipule cette région.
Adapter le type et la densité de tressage au cheval est un geste de confort, mais aussi de prévention des irritations et des cassures de crins.
Gérer les réactions pendant le tressage
Même sur un cheval habituellement calme, il est courant de rencontrer quelques réactions d’agacement. L’essentiel est de les gérer sans générer de conflit :
- Si le cheval bouge, vérifiez d’abord si vous n’êtes pas en train de tirer trop fort ou de toucher un point sensible.
- Si la réaction persiste, faites une pause de quelques secondes : reculez légèrement, caressez ailleurs, prenez une grande inspiration.
- Reprenez ensuite en diminuant légèrement la tension de vos gestes, quitte à ce que la tresse soit un peu moins serrée au début.
- Évitez de punir un cheval qui manifeste un inconfort réel. Cherchez la cause avant de considérer qu’il “fait des manières”.
- Récompensez les moments où le cheval se tient tranquille : voix apaisante, caresse, parfois une friandise si cela ne le rend pas trop impatient.
Construire une expérience positive sur le long terme
Désensibiliser progressivement aux manipulations spécifiques
Certains chevaux réagissent surtout à des points précis : oreilles, nuque, passage de la brosse sur la crinière, contact au niveau de la base de la queue. Un travail de désensibilisation progressive peut être très utile :
- Commencez par de très courts contacts sur la zone sensible, puis éloignez-vous vers une zone agréable pour le cheval.
- Augmentez progressivement la durée du contact à chaque séance, en restant toujours en-dessous du seuil où le cheval commence à manifester une gêne forte.
- Associez ces manipulations à des signaux de détente (voix douce, respiration calme, gratouilles sur une zone qu’il apprécie).
- Arrêtez la séance sur un comportement calme, même si vous n’avez fait qu’une ou deux manipulations réussies.
Ce travail peut être mené en dehors des moments de concours ou d’événements, afin de ne pas ajouter la pression du résultat à la séance d’apprentissage.
Choisir un mode d’attache adapté au tempérament du cheval
La manière dont le cheval est maintenu joue un rôle important dans sa sérénité :
- Un cheval très anxieux supporte souvent mal d’être attaché court avec peu de liberté de mouvement. Un système d’attache plus long, sécurisé et progressif peut être plus confortable.
- Un licol bien ajusté est indispensable : trop serré, il accentue l’inconfort ; trop lâche, il peut tourner et provoquer d’autres gênes.
- Pour certains chevaux, la présence d’un congénère calme à proximité peut également aider à diminuer le stress.
- Si le cheval est très mouvementé, évitez d’ajouter des contraintes extrêmes (corde de contention, serrage excessif) sans avoir cherché d’abord les causes de l’agitation.
La sécurité du cavalier reste primordiale, mais elle peut souvent être assurée en combinant un environnement adapté, une lecture fine du cheval et une progression dans les demandes.
Associer le tressage à des expériences agréables
Pour que le cheval vive le tressage comme un moment neutre ou agréable, plutôt que comme une corvée, il est utile de l’associer à des éléments positifs :
- Planifier les tresses avant des séances de travail qu’il apprécie (balades calmes, travail léger, sorties en extérieur) plutôt qu’avant des séances difficiles.
- Introduire des mini-pauses “bien-être” pendant le tressage : grattouilles au garrot, massage léger de l’encolure, caresse prolongée sur une zone appréciée.
- Pour certains chevaux, quelques friandises bien utilisées, sans excès, peuvent contribuer à une association positive.
- Garder une attitude cohérente : même ton de voix, mêmes gestes de début et de fin, pour rendre le déroulé prévisible.
De cette façon, le cheval peut finir par associer la présence de la brosse, des élastiques ou des doigts dans sa crinière à un moment de proximité calme avec l’humain.
Savoir adapter ses ambitions esthétiques
Pour le cavalier, il est parfois difficile de renoncer à une présentation parfaitement “propre” lors d’un concours ou d’un événement. Pourtant, le confort du cheval doit rester prioritaire :
- Sur un cheval débutant, acceptez de faire moins de tresses, ou des tresses plus simples, le temps qu’il s’habitue.
- Sur un cheval très sensible ou douloureux, le choix peut être de ne pas tresser certaines zones le temps qu’un professionnel (vétérinaire, ostéopathe, dentiste) ait évalué la situation.
- Certains chevaux tolèrent mieux certains types de tresses (par exemple, de grosses tresses lâches “d’école” plutôt que des petites tresses plaquées de concours).
- La priorité reste la sécurité, le mental et la santé du cheval, avant l’esthétique pure.
Au fil du temps, en respectant ces principes, il devient souvent possible d’améliorer l’esthétique sans dégrader le confort, car le cheval gagne en confiance et en tolérance aux manipulations.
Approfondir ses connaissances et affiner sa technique
La capacité à tresser sans stresser le cheval dépend aussi de la maîtrise technique du cavalier. Plus les gestes sont sûrs, clairs et efficaces, moins ils durent longtemps et moins ils risquent d’incommoder le cheval. Pour aller plus loin côté pratique, vous pouvez consulter notre article spécialisé, véritable dossier complet sur les différentes méthodes pour réaliser un tressage adapté à la morphologie et au confort de votre cheval, avec des conseils concrets sur le choix des outils, des types de tresses et de l’entretien des crins.
En combinant observation du comportement, respect du seuil de tolérance du cheval, progressivité des manipulations et amélioration continue de votre technique, le tressage cesse d’être une contrainte pour devenir un véritable moment de partenariat, où le bien-être de l’animal se reflète dans la qualité et la tenue de vos tresses.

